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Justice fiscale dans le monde : un bref état des lieux

Justice fiscale dans le monde : un bref état des lieux

Quelle est la situation actuelle en ce qui concerne la fraude et l’évasion fiscales commises par les ultrariches et les multinationales ?

Cette question était au centre du Global Tax Evasion Report  récemment paru. L’étude a été réalisée par l’Observatoire européen de la fiscalité, un groupe de recherche lié à l’UE. Une centaine de scientifiques ont contribué au rapport.

Les conclusions principales sont les suivantes :

  • Depuis l'introduction de l'échange automatique et international d'informations bancaires, une mesure adoptée en 2017 et actuellement mise en œuvre par plus de cent pays, l'évasion fiscale offshore illégale a fortement diminué. Cette réussite démontre que des décisions politiques et des accords internationaux peuvent bel et bien faire une différence.
  • Pourtant, les multinationales et les ultrariches, par rapport à leurs revenus, payent toujours bien moins d'impôts que les gens ordinaires, comme vous et moi. Toutes sortes de constructions financières (légales ou non) sont encore utilisées à grande échelle pour éluder l'impôt. En 2022, pas moins d’1 billion de dollars ( = 1.000 milliards de dollars) ont été délocalisés vers des paradis fiscaux. Cela équivaut à 35 % de l'ensemble des bénéfices enregistrés par les entreprises multinationales en dehors de leur pays d'origine. De ce fait, 10 % de l’impôt sur les sociétés collecté à l’échelle mondiale ne sont pas perçus par les gouvernements. Jusqu’à présent, trop peu de tentatives sérieuses ont été faites pour s’attaquer à ce problème. Constat marquant : les multinationales américaines sont responsables de 40 % de cette fraude fiscale (d’autres pays et régions, dont l’UE, en sont victimes).

Pourtant, contrer la fraude fiscale est crucial, notamment pour lutter contre la pauvreté et le changement climatique, garantir les soins de santé, l’enseignement et les transports en commun, etc. Pour cette raison, la décision prise par plus de 140 pays (dont les États membres de l’UE) d’introduire à partir de 2024 un impôt minimum d’au moins 15 % pour les multinationales est une bonne chose. C’est la première fois qu’un seuil est défini au niveau international pour les impôts des entreprises. Un aspect moins positif est que cette mesure, approuvée en 2021, a entretemps été affaiblie de différentes manières, menaçant ainsi de ne générer qu'une fraction des recettes escomptées (137 milliards de dollars au lieu de 270 milliards de dollars). Dans l’étude, il est ainsi suggéré d'imposer un impôt minimum mondial renforcé, sans porte de sortie.

Une deuxième suggestion importante formulée dans l’étude consiste à introduire un impôt mondial minimum pour les milliardaires, équivalant à 2 % de leur patrimoine. Aujourd’hui, ce groupe de personnes ne paie jamais plus de 0,5 % d'impôts sur leur patrimoine total. En imposant un impôt minimum de 2 %, 3.000 milliardaires paieraient chaque année 250 milliards de dollars d'impôts supplémentaires. Cet objectif est tout à fait réalisable sachant que leur patrimoine a enregistré une croissance annuelle de 7 % depuis 1995 (corrigé avant inflation).

En tout état de cause, cette étude démontre que la lutte pour une justice fiscale globale est loin d’être terminée et que la fraude fiscale n’est pas une loi de la nature inévitable, mais bien un choix politique. Si les pays collaborent et concluent des accords pour que les épaules les plus solides portent les charges les plus lourdes, il est possible d’accomplir beaucoup de choses.