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Devoir de vigilance des entreprises en Europe : un pas en avant contre les abus des sous-traitants

Devoir de vigilance des entreprises en Europe : un pas en avant contre les abus des sous-traitants

L'Union européenne s'est toujours engagée à protéger les consommateurs, les travailleurs et l'environnement. Conformément à ces objectifs, l'UE a adopté un principe important connu sous le nom de « devoir de vigilance des entreprises ». Basé sur le principe de précaution, il impose aux entreprises la responsabilité de prendre des mesures de prévention des dommages à la santé humaine et à l’environnement. Dans ce cadre, l’Europe prend aujourd’hui des initiatives particulièrement ambitieuses pour mettre fin à la spirale de la dégradation des conditions et circonstances de travail et responsabiliser les maîtres d’ouvrage.

Ces dernières années, les entreprises européennes ont souvent eu recours à la sous-traitance ou outsourcing pour externaliser la main-d'œuvre dans des pays ou par l'intermédiaire de sous-traitants étrangers dont les conditions de travail et de rémunération sont moins strictes, parfois avec des conséquences désastreuses. Nous pensons à Borealis, à la petite école à Anvers ou à l’usine textile qui s’est effondrée au Bangladesh. Nous pensons aussi à l'industrie du cobalt et aux nombreux enfants contraints de travailler dans des conditions dégradantes et malsaines pour fabriquer les batteries de nos téléphones et de nos voitures.

Il faut attendre une catastrophe pour que nous nous posions des questions, qui passent ensuite bien vite à l’arrière-plan. Les sous-traitants sont toujours pointés du doigt. L’Europe ne veut plus que les différents acteurs se renvoient la balle et que chacun finisse par fuir ses responsabilités. L'éthique doit l’emporter. Le devoir de vigilance doit y contribuer.

Que contient cette proposition de directive ?

Le devoir de vigilance des entreprises est un principe fondamental qui oblige les entreprises du secteur du transport et du métal, y compris les sous-traitants, à prendre des mesures proactives visant à améliorer la sécurité et la durabilité. Ce devoir s'applique non seulement aux personnes directement concernées, mais aussi aux sous-traitants travaillant dans ces secteurs.

En quoi cette proposition peut-elle améliorer la situation ?

Cette proposition apportera des améliorations dans plusieurs domaines, notamment l'identification et la gestion des risques. A la fois dans le secteur du transport et du métal, il y a des risques inhérents aux activités exercées. Qu’il s’agisse du transport de matières dangereuses ou de l’emploi de machines et de matériaux lourds, les entreprises doivent identifier activement les risques potentiels et prendre les mesures appropriées pour prévenir les dommages. Le devoir de vigilance des entreprises renforce ce processus en obligeant les entreprises et les sous-traitants à réaliser des analyses de risques, à consulter des recherches scientifiques et à prendre des mesures préventives pour garantir la sécurité des travailleurs et de l’environnement.

Par ailleurs, l’innovation et la durabilité doivent être favorisées. Le devoir de vigilance des entreprises stimule également le secteur du transport et du métal à innover et à adopter des pratiques durables. Les entreprises sont encouragées à recourir à des technologies qui améliorent l’efficacité énergétique, comme les véhicules électriques dans le secteur du transport et les processus de production économes en énergie dans le secteur du métal. Par ailleurs, les entreprises sont encouragées à utiliser des matériaux durables et à investir dans des modèles d’économie circulaire. Ces approches novatrices contribuent à réduire l’empreinte écologique et à favoriser un avenir plus durable.

Enfin, il est également question de collaboration et de responsabilité. Le devoir de vigilance des entreprises souligne la nécessité d’une collaboration et d'un partage des responsabilités entre les entreprises, les sous-traitants et les parties prenantes concernées. C’est notamment vrai dans le contexte de la sous-traitance, où les entreprises ont la responsabilité de s'assurer que les sous-traitants avec lesquels elles travaillent respectent également les normes de sécurité et de durabilité. Grâce à une communication efficace, au partage des connaissances et au respect des dispositions légales, toutes les parties concernées peuvent œuvrer ensemble au renforcement de la sécurité et de la durabilité.

Pour quelles entreprises ?

Cette directive s’appliquera aux entreprises européennes occupant plus de 250 salariés et enregistrant un chiffre d’affaires supérieur à 40 millions d’euros. Les entreprises non européennes sont également concernées pour autant qu’elles réalisent un chiffre d’affaires de 40 millions d’euros dans l’Union européenne. Malheureusement, il semble actuellement que les banques bénéficieront d’une approche plus clémente, ce qui n’est évidemment pas une bonne chose.

Vers une pleine responsabilité ?

La proposition prévoit une responsabilité contraignante qui, bien entendu, ne signifie pas une responsabilité juridique totale. Les entreprises devront dans un premier temps faire de la prévention et prendre des mesures, si bien qu’elles pourront souvent jouer le rôle de juge et de jury. Et puis il y a le problème récurrent du petit salarié qui tente de mettre en cause la responsabilité d'un maître d’ouvrage. Dans la pratique, cela restera souvent lettre morte. De plus, dans la proposition, le rôle des syndicats reste limité à l’enregistrement des plaintes.

Quelle suite pour cette proposition de directive ?

Comme nous l’avons déjà signalé, il ne s’agit encore que d’une proposition qui a déjà pu compter entretemps sur l’approbation d’une majorité au Parlement européen. La proposition doit encore passer par la Commission et le Conseil. Le texte définitif devrait être disponible fin 2023, après quoi la directive devra être transposée. Le fait que des grandes entreprises soutiennent la proposition aura également un effet bénéfique et permettra d’accélérer le processus. Une fois la directive instaurée, les États membres auront trois ans pour transposer ses dispositions en droit national. Naturellement, ils peuvent décider d’adapter leur législation sans attendre. Pas une mince affaire, mais tout de même un pas dans la bonne direction.